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« Ambivalence du Culturel ».

Depuis la chute du mur de Berlin (oct. 1989) il y a presque un demi siècle, nous affrontons un véritable vide idéologique qui rend extrêmement difficile l’édification d’un discours politique cohérent.
La mondialisation et le développement des moyens de communication ont entraîné une interpénétration des espaces culturels sans disposer d’une grille de lecture adaptée qui redéfinit le débat politique et identitaire. Nous prenons de plus en plus conscience que tous nos conflits sont des conflits culturels et que toute culture s’articule, autour de plusieurs paramètres constants mais dont l’importance varie, selon l’histoire dynamique des sociétés. Ce qui entraîne souvent une grande part d’irrationalité et de subjectivité dans les prises de position de nos dirigeants politiques.
Pourquoi la France qui a combattu aux côtés du gouvernement contre les jihadistes, au Mali, soutient les rebelles (avec une très forte proportion de jihadistes) contre le gouvernement en Syrie ?
Pourquoi Les Etats-Unis qui pourchassent al Qaïda partout dans le monde ont pu soutenir l’élection du président Morsi et s’opposer dans un premier temps à son éviction par l’Armée ?
Pourquoi les chrétiens d’Orient si épris de liberté sont obligés de soutenir le maintien d’un régime dictatorial et sanguinaire ?
Répondre à toutes ces questions ne relève pas de l’évidence. On peut toutefois tenter de donner un début de réponse, en suggérant qu’il y aurait un cadre référentiel préalable qu’il faudrait élaborer, pour encadrer le débat et maintenir un minimum de rationalité.
En remontant à Hérodote, le père de l’Histoire qui vit le premier choc de civilisations entre les Grecs et les Perses lors des guerres médiques, cinq siècles avant Jésus Christ, nous avons la première définition de la nation « Unis par la même langue, la même race, la même religion et les mêmes moeurs. »Par ailleurs les mêmes paramètres réapparaissent dans la charte de l’UNESCO qui incite à respecter « les droits de l’homme sans distinction de race, de sexe, de
langue et de religion. » Nous sommes donc confrontés aux mêmes paramètres soumis à deux impératifs opposés : celui de prendre en considération ces paramètres structurants mais qui peuvent devenir discriminatoires et celui de s’en émanciper, au profit d’une identité humaine abstraite. Les démocraties occidentales, où sont nés les droits de l’homme, établis et consacrés dans la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis(1776), la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789), et la déclaration Universelle des Droits de l’Homme des Nations-Unies (1948) sont soucieuses de cet universalisme mais doivent également défendre leur culture et leur cohésion en tant que nations, surtout vis-à-vis des pays qui restent régis par le système patriarcal et où l’image du père sous toutes ses formes (religieux, militaire et monarchie) reste dominante.
Ce décalage culturel fait que quand il y a des interventions de l’Occident au nom des Droits de l’Homme, souvent elles sont récupérées par les structures locales qui rejettent dans un deuxième temps l’Occident, transformé en occupant. Autrement dit, le message est ambivalent : venez nous libérer au nom des droits de l’homme mais repartez au nom du système patriarcal. D’où l’échec de l’intervention occidentale en Irak, en Afghanistan, la perplexité en ce qui concerne le Printemps Arabe en Egypte, Tunisie et Libye et bien sûr l’ambiguïté de la guerre en Syrie, qui s’est transformée d’une rébellion pacifiste et laïque ,en une révolte armée puis en une guerre djihadiste.
C’est cette évolution qui fait hésiter aujourd’hui les dirigeants occidentaux, qui sont freinés par leurs propres opinions publiques récalcitrantes.
Une intervention ne peut produire des résultats positifs que si le lien culturel est clairement établi, s’il est cohérent et non contradictoire, intériorisé et non instrumentalisé. Et pour cela nous sommes tenus de repasser par les paramètres, qui facilitent l’accès à l’autre et à sa culture, sinon rapidement l’intervention souhaitée est transformée en interventionnisme et le soutien en occupation.
Cette problématique des différences culturelles doit être résolue au préalable, pour ne pas entraîner des malentendus et des incompréhensions qui se muent rapidement en hostilité.
Certes ne pas intervenir alors que les droits humains sont bafoués peut poser un cas de conscience. Mais intervenir sans avoir d’entente profonde, c’est rapidement le risque de s’enliser et de se faire piéger. Au Mali, la communauté de la langue et l’idéal de certaines valeurs démocratiques ont servi de pont culturel à la France. Alors que dans les pays arabes, l’Occident et notamment les Etats-Unis inconditionnels d’Israël, sont perçus comme des intrus.
De toute manière, le paramètre religieux étant incontournable dans le monde arabe, tôt ou tard il y a une résurgence de peurs archaïques qui ravivent des siècles d’affrontements.
Les cultures constituent des idéaux si elles sont transcendées mais également peuvent se transformer en idéologies. C’est cette ambivalence quasi-anthropologique qu’il s’agit donc de clarifier.
Par Bahjat RIZK 
Le 26 septembre 2013

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