Oil in Lebanon

Lebanon: the dialectic of the name and the entity over 4000 years

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Par Georgia Makhlouf





On connaissait Bahjat Rizk sur le terrain de ses recherches en anthropologie politique, et de ses publications autour de la thématique du pluralisme culturel et de l’identité libanaise. On est donc surpris de le rencontrer aujourd’hui sur un tout autre terrain, celui d’une écriture de l’intime, d’une écriture profondément émotionnelle donc et, plus encore que subjective, intériorisée, empruntant à la quête spirituelle. 





Il s’agit ici d’un ouvrage dense, organisé en trois parties distinctes, quasiment autonomes. La première partie, L’identité en fuite ou la confession d’une longue nuit, est écrite sous la forme d’un journal intime dominé par l’angoisse, la guerre (celle, bien réelle, qu’a traversée le narrateur et l’autre guerre, intérieure celle-là), et la peur de la mort. La deuxième partie qui s’intitule Passions rassemble plusieurs récits, qui empruntent à l’autobiographie (celui qui traite de la maison en particulier, maison-berceau ou maison-tombeau) ou à la fiction, dont Les masques qui raconte la rencontre entre Paul et Marie ; mais l’écriture brouille également volontiers la frontière entre ces deux registres, avec un final où les deux personnages ont disparu et qui s’écrit à la troisième personne. Enfin la troisième partie, Mères intérieures, s’articule autour de lieux et de femmes : lieux d’ici et d’ailleurs, lieux privés et publics, lieux réels et rêvés, l’auteur s’adresse à ces lieux invoqués (« Tu pleures ma ville quand je te prends dans mes bras. Pleure ô ma ville bien-aimée. J’implore chacun de tes quartiers, chacune de tes pierres »), brouillant là encore les pistes, et se déplaçant entre des lieux et des femmes tout aussi insaisissables, Èves aux multiples visages qui lui échappent sans cesse. 





Rizk raconte que l’écriture de ces textes introspectifs s’étale sur une trentaine d’années, que certains extraits avaient déjà été publiés, mais qu’ils sont réunis en un ouvrage unique pour la première fois. Ce qui leur donne leur unité de ton est, dit-il, leur appartenance au registre du « monologue intérieur ». C’est Jad Hatem qui a tout à la fois commenté ces écrits dans son ouvrage récent Rupture d’identité et roman familial, encouragé Rizk à les publier et mis l’auteur en contact avec l’éditeur. Hatem écrit que les textes de Rizk empruntent « à l’Ulysse de Joyce le monologue intérieur, à Kafka l’incertitude qui frappe l’ego, à Broch la crise des valeurs qui emporte le monde sans que la conscience de la mort ne réussisse, comme dans le Virgile, à totaliser le savoir de soi ».





Pour Rizk néanmoins, il y a une continuité entre cette écriture littéraire de l’intime et celle, analytique, de ses recherches anthropologiques puisque toutes deux renvoient à son souci, voire son « obsession de la quête identitaire ». « Il y a certes, au départ, une partie d’inspiration autobiographique, poursuit-il, mais c’est essentiellement une œuvre de fiction comme tout travail de création littéraire. Ce travail est toutefois dédié dans son intégralité à la personne à laquelle ces textes ont été adressés à l’origine et dont les initiales apparaissent au début de l’ouvrage, avec la mention en souvenir. Il y a donc une fidélité au vécu personnel, mais ce n’est nullement un récit autobiographique ; il faut le lire comme une œuvre de fiction. »





Rizk espère que cette publication annonce le début d’une seconde vie, littéraire celle-ci. Il l’envisage comme un retour vers des choses essentielles, vers un fil conducteur, un cheminement souterrain. On le croit volontiers, car il y a dans son écriture une vraie prise de risque, une mise à nu des émotions, une volonté de creuser de plus en plus profondément en soi pour y rencontrer « la tempête, les autres, les mots ».






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