La communauté libanaise au Québec – Appel de liberté et quête de l’excellence
par Sami Aoun et Sari Madi
Les recherches sur les premiers découvreurs des Amériques ont montré que les Phéniciens, les ancêtres des Libanais, ont remonté le fleuve Saint-Laurent bien avant que Christophe Colomb ne découvre le Nouveau Monde. Selon les découvertes archéologiques, une expédition, menée à partir des colonies phéniciennes en Afrique du Nord, a atteint les Amériques il y a 2500 ans. En 1975, des écritures gravées sur des pierres trouvées en plusieurs endroits au Canada ont été déchiffrées, confirmant que des Phéniciens ont touché le sol canadien. Cette information n’est pas sans intérêt dans la mesure où elle témoigne de l’esprit aventurier et expansionniste des peuples qui ont habité la côte est de la Méditerranée.
Les Libanais ont suivi le modèle de la migration en chaîne : les frères et les sœurs se suivent, les fils et les filles suivent les pères, et ainsi de suite. Vers 1885, le nombre de Libanais au Canada atteint la cinquantaine. Parmi les premiers arrivants, on connaît Ibrahim Abou Nader, qui a débarqué à Montréal en 1882, à l’âge de 19 ans; Sélim Élias Achkar et Joseph Jebawy et son fils, arrivés en 1883; et Boutros Tady débarqué en 1884. La communauté syro–libanaise fonde sa première église grecque orthodoxe au Canada en 1910.
Afin de commémorer la 125e année de présence de la communauté libanaise au Canada, la Ville de Montréal a inauguré l’œuvre Daleth en 2010. Toutefois, malgré ce que cet anniversaire peut laisser croire, les flux d’immigrants libanais n’ont pas été continus. En vérité, on distingue trois vagues d’immigration libanaise au Canada.
L’ancienne immigration (1882–1936)
Les émigrants libanais nourrissaient l’ambition de faire fortune dans le pays d’accueil. Issus d’un milieu rural et pauvre, ils étaient convaincus que le travail de la terre ne leur permettrait pas d’atteindre ce but. Ils se sont donc tournés vers le commerce et ont adopté un métier qui allait devenir « leur caractéristique nationale à travers tout le continent américain : celui de vendeur ambulant».
Deuxième immigration (1945–1975)
La deuxième phase d’immigration libanaise débute après la Deuxième Guerre mondiale. Après une immigration correspondant à un projet collectif, cette nouvelle vague relevait plutôt de l’initiative individuelle. C’est le début de la guerre civile libanaise, en 1975, qui allait changer la donne et mettre un terme à cette vague d’immigration.
Même si le Liban était un pays économiquement prospère dans les années 1960 et 1970, plusieurs aspects de la vie au Liban ont poussé les gens à quitter le pays : la dégradation de l’administration et la mentalité de la corruption; le confessionnalisme politique et ses effets néfastes; des difficultés économiques; des objectifs personnels (par exemple, le désir de poursuivre des études); et l’implication de la famille dans la vie privée de la personne.
Troisième immigration : de 1975 à nos jours
La majorité des Libanais aujourd’hui présents au Canada faisaient partie de la vague d’après 1975, composée essentiellement de deux cohortes; la première cohorte a immigré entre 1975 et 1980 et la deuxième, entre 1986 et 1991.
Entre 1986 et 1991, l’immigration s’est accentuée : plus de 16 000 Libanais sont arrivés au Québec, portant le nombre total de la population immigrante originaire du Liban à 26 000 personnes.
Les premiers immigrants de la Montagne Blanche
En 1882, Ibrahim Abou Nader quitte son petit village, Zahlé, en direction de l’Amérique. À l’âge de 19 ans, Ibrahim (ou Abraham Bounadère) devient le premier immigrant libanais et arabe à Montréal. Il habite d’abord une simple chambre située à l’angle des rues De La Gauchetière et Saint-André. Au cours des mois suivant son arrivée, il fait connaissance avec les nouveaux arrivants : Peter Tady et Joseph Jebawy et son père. Ces jeunes Syriens travaillent comme marchands ambulants.
À Montréal, Abraham se marie avec une Montréalaise et a d’elle 10 enfants. Plus tard, en 1947, il se remariera avec une dame de Joliette. Après un certain temps passé à Montréal, Bounadère s’installe dans la région de Lanaudière. Au bord du lac Noir, peu connu à l’époque, Abraham construit le « château » Bounadère. En 1901, il appelle ses deux frères et sa mère à venir le rejoindre. Le plus âgé, Michel, suit la route jusqu’à Sainte-Émélie-de-l’Énergie et il se lance en affaires pour ensuite devenir propriétaire d’un magasin général. C’est Michel qui va acheter 500 acres de terre sur lesquels il construit les Cèdres du Liban, un quartier résidentiel habité encore aujourd’hui par des membres de la famille Bounadère.
Quand Salim Rossy arrive au Canada en 1902, il ne sait certainement pas que son commerce deviendra une des plus grandes chaînes de magasins au pays. En 1910, M. Rossy ouvre le premier magasin S. Rossy Inc. sur la rue Craig, à Montréal. Les activités de l’entreprise prennent graduellement de l’expansion avec l’implication des 10 enfants de Rossy. En 1937, le fils de Salim, George, succède à son père et transforme l’entreprise en magasin de détail à rayons multiples. En 1992, les magasins Rossy sont convertis en Dollarama. Actuellement, la chaîne Dollarama compte 700 magasins au Canada….
Arrivé au Canada en 1906, Abalan Léon fait d’abord du porte-à-porte. À partir de sa simple valise remplie de vêtements et de souliers, Monsieur Léon a accumulé, en 1909, une somme d’argent suffisante pour se lancer en affaires. Il ouvre donc son magasin A. Léon à Welland, en Ontario. C’est alors un magasin général où on vend des pantalons, des couvertures, des chaussures, des draps et d’autres marchandises. Dans le but d’accroître son chiffre d’affaires, Abalan Léon adopte une politique qui offre du crédit aux nouveaux arrivants éprouvant de la difficulté à en obtenir. Ainsi, Léon bénéficie de l’affection de ses clients ainsi que d’une bonne réputation.
C’est un acheteur imprévu qui fait remarquer à Monsieur Léon l’importante somme qu’il peut amasser en vendant de gros objets. Abalan avait acheté un matelas dans le but de l’offrir à son fils lors de son mariage. Toutefois, quelqu’un entre dans le magasin et demande d’acheter ce matelas. Abalan le vend après avoir ajouté quelques dollars au prix d’achat. Après cette découverte, il décide de se lancer dans la vente de meubles. Aujourd’hui, Meubles Léon est un des plus grands détaillants de meubles au Canada.
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… Durant leur longue présence au Canada, les immigrants libanais ont fondé des associations pour rejoindre toutes les couches de la communauté…..Parmi les centres culturels actifs au Québec, citons le Regroupement des professionnels Québec-Liban, fondé en 2006; la Fédération des étudiants libanais (Tollab), qui unit les forces de toutes les associations étudiantes libanaises à Montréal sous un même comité; le Cénacle culturel Liban-Québec, fondé en 2006 par des dizaines de personnes intéressées à la vie culturelle montréalaise;
Les journaux libanais distribués à Montréal sont nombreux et rejoignent les deux communautés, arabe et francophone….
L’intégration des Libanais dans leur pays d’accueil se manifeste aussi par leur présence sur la scène politique et professionnelle. Parmi les députés élus à l’Assemblée nationale figurent les noms de Mark Assad (député libéral dans la circonscription de Papineau en 1970), de Pierre J. J. Georges Adelard Gimaïel (député du Parti libéral du Canada dans la circonscription de Lac-Saint-Jean en 1980), de Pierre de Bané (sénateur canadien), de Sam Elkas (ancien ministre et député libéral dans Robert-Baldwin en 1989), d’Albert Malouf (avocat et juge québécois qui a présidé, entre autres, des enquêtes publiques sur la police de Montréal et les Jeux olympiques de 1976) et de Paul Zed (député libéral de la circonscription de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, à la Chambre des communes). Aujourd’hui, une députée canadienne d’origine libanaise, Maria Mourani, siège au Parlement canadien.