Faire revivre l’héritage artistique libanais, c’est le pari qu’ont lancé Janine Maamari et Marie Tomb au Beirut Exhibition Center. Du 4 juillet au 4 août, le public pourra replonger dans le passé au travers des œuvres d’une vingtaine d’artistes libanais contemporains.
Au Beirut Exhibition Center le soir du vernissage de l’exposition ‘Journeys through our heritage’, une foule nombreuse s’est pressée, détaillant chaque installation, vidéo, peinture, photographie ou performance présente avec attention, tâchant d’en percevoir le message. Une vingtaine d’artistes libanais contemporains, nés à partir des années 1970, exposent : Assi Zena, Baalbaki Mohamad-Said, Sirine Fattouh, Daniele Genadry, Chafa Ghaddar, Pascal Hachem, Charbel-Joseph H. Boutros, Nathalie Harb, Hiba Kalache, Karen Kalou, Kerbaj Mazen, Katanani Abdul Rahman, Marya Kazoun, Marya Kazoun, Rima Maroun, Stéphanie Saade, Samaha Roy, Omar Fakhoury, Siska, Tarazi Alfred, Raed Yassine et Youssef Shawki.
L’originalité de ce projet réside dans l’idée de ses organisatrices, Janine Maamari et Marie Tomb, de pousser de jeunes artistes à rendre hommage en s’inspirant et en revisitant les œuvres de leurs prédécesseurs nés avant 1930. ’’J’ai remarqué que les jeunes Libanais connaissent très peu l’environnement artistique de leur pays avant la guerre civile, la plupart des artistes ont d’autres références, alors qu’ils sont exposés internationalement’’, note Janine Maamari avec regret. ’’J’ai donc proposé à de nombreux artistes de créer des œuvres originales dans le but d’une exposition mettant à l’honneur les ‘modernes’, avec bien sûr une liberté totale dans le choix, l’interprétation et la création’’, raconte-t-elle. Une vingtaine de personnes a répondu à l’appel et a travaillé pendant un an sur le projet en s’inspirant, entre autres, de Helen Khal, Farid Aouad, Shafic Abboud, Gibran Khalil Gibran, Saliba Douaihy, Saloua Raouda Choucair et Khalil Saleeby.
Ce qui marque en déambulant dans le Beirut Exhibition Center, c’est la diversité des formats et des matières, de nombreux objets et recoins attirent le regard. ’’Nous avons laissé la liberté aux artistes motivés par le projet de choisir leur média favori, de laisser libre court à leur imagination en s’inspirant d’une idée, d’un concept ou d’un artiste libanais, afin qu’ils réinterprètent et modernisent notre héritage artistique’’, explique Janine Maamari.
Tout un côté de l’exposition est par exemple réservé à plusieurs œuvres inspirées de Gibran Khalil Gibran : une série de douze montages photographiques, interprétant un chapitre chacun du livre ‘Broken Wings’, de l’artiste Alfred Tarazi, deux tableaux s’attachant à établir un dialogue spirituel avec Gibran par Hiba Kalache, et un nu en tôle ondulée du libano-palestinien Abdul Rahman Katanani. Sur le mur d’en face, de jeunes artistes placés devant l’autoportrait inachevé de Khalil Saleeby le copient, dans le cadre d’une performance de Raed Yassin intitulée ’My Last Self-Portrait’. ’’Khalil Saleeby regarde par-dessus son épaule, vers l’avenir, et donc vers les jeunes artistes, qui sont libres de venir durant toute la durée de l’exposition peindre, explique Raed Yassin, le but de cette performance est de pousser les jeunes qui viennent à questionner la vie de l’artiste, assassiné par des hommes de son village, ainsi que sur le fait d’être un artiste dans un tel pays’’.
Un peu plus loin, une installation mécanique représentant un cèdre en train d’être coupé à côté d’un ’’Mont Liban’’ électrique dont le T clignote, de tableaux et de sculptures, toutes de l’artiste Mohamad-Said Baalbaki. Son travail donne une impression de déracinement, de volonté de se rattacher à sa terre d’origine sans être entouré de toutes les conditions physiques et matérielles.
De l’autre côté, une très grande installation occupe tout un coin de salle, tout en fils, en métal et en bambou. C’est l’œuvre de Marya Kazoun sur l’inspiration d’une série de Saloua Raouda Choucair et intitulée ‘The Hybrid’. ’’Mon travail est basé sur un monde que j’imagine et fais sortir de ma tête, sur des histoires de créatures, mais j’aime laisser le public interpréter par lui-même et laisser les émotions le guider’, raconte la jeune femme. J’ai choisi de travailler sur ce projet pour me faire connaître au Liban et avoir l’occasion de rendre hommage à ce qu’a accompli Saloua Raouda Choucair, dont j’aime le travail sur les lignes et les arcs’’, décrit-elle.
Le public présent au vernissage est varié et curieux, mais de façon globale très enthousiaste face au concept, telle Rana, 35 ans : ’’C’est une très bonne initiative de laisser de jeunes artistes travailler sur les anciens, de leur redonner vie d’une différente manière tout en accédant à une visibilité au Liban’’. ’’Cette exposition fait appel à la mémoire en l’embellissant, en la modernisant, décrit Josette, la soixantaine, revisiter et réinterpréter le passé est une initiative heureuse’’, conclut-t-elle. Il semble aussi que l’exposition arrive au bon moment de l’année, dans une ambiance sécuritaire tendue que les artistes semblent avoir la volonté de dépasser. ’’C’est vraiment merveilleux de voir tant de talents réunis en un endroit, je trouve que c’est positif que le Liban se panse enfin au travers de l’art en ces temps difficiles’’, justifie Serge, 39 ans.