Amin Maalouf, l’incurable exilé Le 08/11/13
Désormais, depuis son prix Goncourt (1993) avec ‘Le Rocher de Tanios’, et son entrée à l’Académie française (2011), Amin Maalouf est un incontournable de la scène littéraire française.
Qu’ils soient sur les traces de ‘Léon L’Africain’, ou du poète du vin Omar Khayyam dans ‘Samarcande’, les romans d’Amin Maalouf se perdent aux confins de l’Orient et de l’occident. Qu’il s’agisse de cette autobiographie imaginaire du voyageur Hassan al-Wazzan capturé en 1518 par des pirates siciliens et offert en cadeau au pape Léon X, ou encore de Hassan Sabbah, fondateur du redoutable Ordre des assassins, Amin Maalouf nous fait traverser les villes et les siècles à travers les aventures de manuscrits perdus à l’époque mongole et retrouvés sous l’Empire Ottoman. Ses hésitations identitaires entre les deux rives de la méditerranée ne sont pas que romanesques. Dans ses célèbres ‘Croisades vues par les Arabes’, ouvrage à mi-chemin entre l’histoire par son long travail d’archives, précieux par son initiation aux différentes dynasties régnantes dans le monde arabo-musulman, et la littérature par le style donné à ses transitions, Amin Maalouf s’intéresse à la construction de l’Orient et de l’Occident dans leur relation de dominant/dominé dans l’histoire ancienne.
Dans ses essais plus contemporains le thème commencé par ‘Les identités meurtrières’, est récurrent et est une fois de plus soulevées dans ‘Le dérèglement du monde’, de même que dans son dernier ouvrage qu’il signera au salon, ‘Les désorientés’.
Dans ‘Les identités meurtrières’, Maalouf part de lui, Arabe chrétien, et détruit les identités singulières. L’identité est complexe, elle ne se réduit ni à la langue ni à la religion. Elle ne se limite pas à une seule appartenance : elle est une somme d’appartenances qui s’acquiert par l’influence d’autrui. Dans ‘Le dérèglement du monde’, l’essai s’inscrit dans la lignée des peurs qui accompagnent les débuts de millénaires, la chute du mur de Berlin, la fin de la guerre froide, des espoirs suscités mais piétinés avec la dérive de l’administration Bush après le 11 septembre et Guantanamo, et en matière écologique, les problèmes de réchauffement climatiques.
Dans ‘Les désorientés’, Amin Maalouf revient, sans la nommer, à la terre natale. Au Liban dont il a été arraché en 1976, suite au déclenchement de la guerre civile. Installé depuis à Paris où il s’intègre à part entière à la vie française, il entretient avec le pays d’origine un sentiment ambivalent. Il est à la fois habité par le Liban dans ses écrits, mais se protège de prudentes distances (على الرسمي) dans ses visites littéraires. Adam, son personnage quitte à 20 ans, dans les années 70 un des plus beaux pays du monde, la perle de l’Orient (on devine que c’est le Liban). Il formait avec une bande, d’amis « le club des Byzantins » : Ils étaient juifs, chrétiens, musulmans et étaient inséparables. Ils s’étaient promis une amitié éternelle et la guerre les a dispersés. Après des décennies d’absence, Adam, historien vivant depuis longtemps en France, revient sur la terre de ses Origines suite à l’appel de Mourad, à l’agonie mais avec lequel il est brouillé, qui le décide à faire le voyage. Adam tentera de réunir de nouveau les amis d’autrefois. Certains sont restés, d’autres sont partis. Se pose alors la question : fallait-il rester ou ont-ils eu raison de partir ?
Dans ce dernier roman, le lecteur de Maalouf retrouve ce regret propre à l’auteur de cet avenir (glorieux pour le Liban comme l’annonçaient les années 70) qui n’a pas eu lieu, ’’la disparition de l’avenir dont on ne se remet pas’’ plutôt qu’une nostalgie pour le passé.
Rita Bassil
Article paru dans le journal Al-Akhbar le vendredi 1er novembre 2013
Qu’ils soient sur les traces de ‘Léon L’Africain’, ou du poète du vin Omar Khayyam dans ‘Samarcande’, les romans d’Amin Maalouf se perdent aux confins de l’Orient et de l’occident. Qu’il s’agisse de cette autobiographie imaginaire du voyageur Hassan al-Wazzan capturé en 1518 par des pirates siciliens et offert en cadeau au pape Léon X, ou encore de Hassan Sabbah, fondateur du redoutable Ordre des assassins, Amin Maalouf nous fait traverser les villes et les siècles à travers les aventures de manuscrits perdus à l’époque mongole et retrouvés sous l’Empire Ottoman. Ses hésitations identitaires entre les deux rives de la méditerranée ne sont pas que romanesques. Dans ses célèbres ‘Croisades vues par les Arabes’, ouvrage à mi-chemin entre l’histoire par son long travail d’archives, précieux par son initiation aux différentes dynasties régnantes dans le monde arabo-musulman, et la littérature par le style donné à ses transitions, Amin Maalouf s’intéresse à la construction de l’Orient et de l’Occident dans leur relation de dominant/dominé dans l’histoire ancienne.
Dans ses essais plus contemporains le thème commencé par ‘Les identités meurtrières’, est récurrent et est une fois de plus soulevées dans ‘Le dérèglement du monde’, de même que dans son dernier ouvrage qu’il signera au salon, ‘Les désorientés’.
Dans ‘Les identités meurtrières’, Maalouf part de lui, Arabe chrétien, et détruit les identités singulières. L’identité est complexe, elle ne se réduit ni à la langue ni à la religion. Elle ne se limite pas à une seule appartenance : elle est une somme d’appartenances qui s’acquiert par l’influence d’autrui. Dans ‘Le dérèglement du monde’, l’essai s’inscrit dans la lignée des peurs qui accompagnent les débuts de millénaires, la chute du mur de Berlin, la fin de la guerre froide, des espoirs suscités mais piétinés avec la dérive de l’administration Bush après le 11 septembre et Guantanamo, et en matière écologique, les problèmes de réchauffement climatiques.
Dans ‘Les désorientés’, Amin Maalouf revient, sans la nommer, à la terre natale. Au Liban dont il a été arraché en 1976, suite au déclenchement de la guerre civile. Installé depuis à Paris où il s’intègre à part entière à la vie française, il entretient avec le pays d’origine un sentiment ambivalent. Il est à la fois habité par le Liban dans ses écrits, mais se protège de prudentes distances (على الرسمي) dans ses visites littéraires. Adam, son personnage quitte à 20 ans, dans les années 70 un des plus beaux pays du monde, la perle de l’Orient (on devine que c’est le Liban). Il formait avec une bande, d’amis « le club des Byzantins » : Ils étaient juifs, chrétiens, musulmans et étaient inséparables. Ils s’étaient promis une amitié éternelle et la guerre les a dispersés. Après des décennies d’absence, Adam, historien vivant depuis longtemps en France, revient sur la terre de ses Origines suite à l’appel de Mourad, à l’agonie mais avec lequel il est brouillé, qui le décide à faire le voyage. Adam tentera de réunir de nouveau les amis d’autrefois. Certains sont restés, d’autres sont partis. Se pose alors la question : fallait-il rester ou ont-ils eu raison de partir ?
Dans ce dernier roman, le lecteur de Maalouf retrouve ce regret propre à l’auteur de cet avenir (glorieux pour le Liban comme l’annonçaient les années 70) qui n’a pas eu lieu, ’’la disparition de l’avenir dont on ne se remet pas’’ plutôt qu’une nostalgie pour le passé.
Rita Bassil
Article paru dans le journal Al-Akhbar le vendredi 1er novembre 2013