Adieu a Prof. Mansour Chalita (Secretaire General Mondial de L’ULCM 1968).
par Marie Bteiche.
A mon cher oncle Mansour,
J’ai peine à croire que tu n’es plus. Sans toi, le Brésil ne sera plus pour
nous ce qu’il était.
J’ai eu la chance et le privilège de vivre avec maman ta chère soeur
Margot dix longues années au Brésil, pourtant si vite passées. Et quel
bonheur de vivre aux côtés du génie que tu étais! C’est à cette époque
que tu as choisi de te retirer de la foisonnante vie diplomatique, culturelle
et sociale dans laquelle tu évoluais comme un prince, un sultan, un roi.
D’ailleurs la presse brésilienne ne tarissait pas d’éloges à ton égard. David
Nasser, l’un des journalistes les plus influents du Brésil n’a-t-il pas écrit à ton
sujet en ces termes “j’ignore si dans les veines de ce gentilhomme du sérail,
court le sang d’un sultan ou l’éducation d’un prince. Mais je sais que la
sérénité de ses conceptions et la patience de sa méthode ont fait de lui un
diplomate entre deux mondes, le monde de son pays et son monde, soit le
Liban et l’Amérique. Hostile au fanatisme, Mansour Challita est l’image ellemême
de la sagesse libanaise, de l’âme pacifiste de ce peuple que Dieu a
placé au carrefour de l’Orient…”
Tu as peuplé notre enfance
Oncle chéri, depuis notre plus tendre enfance tu as été à nos côtés,
tu étais le bras droit de maman et son soutien continu et inconditionnel,
surtout après la mort de notre cher papa.
Enfant, je me souviens de toi non pas comme un grand diplomate
ou un écrivain au talent unique auréolé de succès, mais juste d’un soleil
qui venait illuminer notre maison, nous combler de ta tendre affection
nous ramenant plein de jouets et de friandises de tes multiples voyages
aux Etats-Unis, au Brésil, en Colombie, en France etc… Pour nous tu étais
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l’oncle gâteux qui s’asseyait avec nous à même le sol pour nous initier aux
jeux de société et de cartes. Avec nous tu riais aux éclats de ton bon rire
saccadé et musical.
Adolescente, je t’ai vu plongé dans tes livres des jours et des nuits
interminables. Tu as tellement aimé Gibran Khalil Gibran que tu t’es fondu
dans sa peau devenant le plus fidèle, traducteur de l’ensemble de son oeuvre
(16 livres) en langue portugaise mais aussi en français dont “le Prophète” et
“Jésus fils de l’homme”. Tes traductions magnifiques et harmonieuses sont
d’une beauté à couper le souffle.
Un souvenir ineffable
Au Brésil, à Rio de Janeiro que tu appelais ton paradis, tu as eu droit à des
obsèques émouvantes, nobles et solennelles. Tes fans de tous milieux sont
venus te pleurer et te rendre un hommage déclarant que tu as fortement
contribué à enrichir la culture brésilienne.
Oncle chéri, tu vas énormément nous manquer. Mais j’ai la conviction
que juste ton corps nous a laissé et que ton âme et ton esprit resterons
à jamais avec nous, surtout avec “ta chère petite soeur Margot”, comme
tu l’appelais et pour laquelle tu étais le colosse sur lequel elle s’appuyait,
confiait ses peines et y puisait force et sagesse.
Et lorsque la nostalgie et la “saudade” vont taper fort dans mon coeur
et inonder mon visage de chaudes larmes, je fermerai les yeux, je verrai ton
beau visage je t’écouterai lire de ta voix aussi mélodieuse que les sources du
printemps ta belle traduction du “Jardin de Prophète” de Gibran sur la mort:
“Je vivrai par-delà le tombeau et je continuerai à chanter pour vous, même
après que les ondes de la vaste mer m’aient ramené aux profondeurs,
Et je vous accompagnerai à vos champs,
Un esprit invisible,
Et je m’assoirai autour de votre feu,
Bien que vous ne me voyiez pas.
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La mort ne change que les masques qui recouvrent nos faces.
Le bûcheron sera toujours un bûcheron,
Et le laboureur sera toujours un laboureur,
Et ceux qui remettent leurs chansons aux vents,
Les chanteront pour d’autres sphères.”
Oncle adoré, que cette terre du Brésil que tu as tellement aimée te soit
légère. Paix à ton âme.
Ta nièce qui ne t’oubliera jamais
Marie Bteiche