Vénus Khoury-Ghata, entre ombre et lumière (Par Bahjat RIZK)

Vendredi dernier 22 mars se tenait le premier dîner de gala de la section féminine de l’Union libanaise culturelle dans le monde (ULCM) avec, en invitée d’honneur, Vénus Khoury-Ghata. Voici le texte de l’hommage que Bahjat Rizk, chargé de la présenter, a rendu à la poétesse à cette occasion : Comment présenter en peu de mots Vénus Khoury-Ghata? Quand on me l’a proposé, j’étais à la fois enchanté et perplexe. Certes, je pouvais reproduire la liste, si longue et si abondante, de ses ouvrages traduits en plusieurs langues (plus d’une quarantaine entre romans et recueils de poésie), de ses prestigieux prix (plus d’une dizaine), de son parcours si riche et si fécond. Mais à l’heure de Google, tout cela est disponible. Je me suis alors résolu à rédiger ces quelques lignes, en espérant vous communiquer ma passion pour son oeuvre d’écriture, et mon admiration pour l’héroïne et la femme qu’elle est dans la vie. Je connais amplement l’oeuvre de Vénus Khoury-Ghata pour m’y être plongé, avec délice et ivresse, il y a quelques années, dans le but d’une modeste contribution à un colloque sur la littérature libanaise francophone. J’avais moi-même choisi mon sujet et j’ai découvert à la fois une grande romancière et un grand poète. Le fait est rare et il est utile de le souligner. On a souvent des essayistes-romanciers ou des essayistes-poètes, une manière de compenser la créativité par la raison, mais Vénus Khoury-Ghata est un écrivain à l’état pur car elle a choisi d’emprunter parallèlement les deux voies d’expression créative pour donner libre cours au chant poétique et à la narration romanesque. Son oeuvre est aussi aboutie en poésie que dans le roman, avec une égale discipline rigoureuse et une totale originalité, authentique et personnelle. Vénus Khoury-Ghata a vécu des situations violentes dans sa vie, confrontée à la destruction de son pays, à la folie et à la mort des êtres qu’elle chérissait, et elle a su en tirer une grande puissance d’évocation et d’incantation pour les garder présents et vivants à travers son oeuvre. Il y a chez elle un vécu dense et une sensibilité écorchée, qu’elle a su ériger en oeuvre prolifique et monumentale. Elle a construit une oeuvre comme elle s’est construite elle-même, au-delà de ses propres limites. Vénus sait explorer l’âme humaine, avec tous ses méandres, ses déchirures, ses ruptures et sa capacité de rédemption. Elle veut sauver un monde intérieur, qui risque à tout moment de se laisser submerger ou de sombrer, à l’image du Liban, livré à ses démons, à ses démences et à ses démesures. Elle porte en elle les damnés de la terre et en premier lieu les femmes sacrifiées, mais elle leur rend justice, les rétablit dans leur dignité et leur vérité première. Il faut pouvoir entrer dans le monde de Vénus Khoury-Ghata: souffrir, jouir, transgresser, se révolter, se réconcilier, rire, se perdre, se chercher, lutter, conquérir, pardonner, ne pas oublier, trahir, rester fidèle et surtout beaucoup, beaucoup aimer ! Pour ma part, j’estime en toute conscience qu’elle est une grande écrivaine, et le meilleur moyen d’en être convaincu, c’est de la lire, car Vénus est à part entière dans son oeuvre qui se nourrit de sa vie.
Vénus est également dans sa vie, ses douleurs, ses dons, ses fulgurances, ses audaces et son rayonnement. C’est un être solaire pour tous les êtres qui l’entourent et elle a une grande capacité à triompher des ombres et des ténèbres. Elle est généreuse, sincère, dévouée et engagée. Je ne révélerai pas d’ailleurs un secret en disant que la coïncidence ou le destin a voulu qu’en ce jour-même où elle est honorée, Vénus Khoury-Ghata porte en elle un énième deuil qui l’attriste. Toutefois, elle n’a pas voulu se dérober à la parole donnée car, avec courage et héroïsme, elle sait lutter à mains nues, avec pour seule arme le verbe, et elle saura toujours avancer dans la nuit des épreuves, avec cette immense lumière qui jaillit d’elle et qu’elle sait répandre autour d’elle pour réchauffer nos âmes esseulées et les éclairer.
Bahjat Rizk 
jeudi, mars 28, 2013

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