Par Zeina SALEH KAYALI | mercredi, septembre 12, 2012
Une soirée-débat sur le thème « Quelle gouvernance pour le Liban ? » s’est tenue dans le grand amphithéâtre du collège des Bernardins à Paris, en marge de la visite du pape Benoît XVI au Liban. Cette conférence, animée par le journaliste Christian de Cacqueray et retransmise sur la chaîne de télévision française KTO et sur Radio Notre-Dame, a fait dialoguer trois personnalités du monde de la pensée intellectuelle et religieuse : Mgr Philippe Brizard, directeur général émérite de l’OEuvre d’Orient et président de l’ARES, Carol Saba, avocat franco-libanais et porte-parole des évêques orthodoxes de France, et Bahjat Rizk, écrivain, essayiste et attaché culturel à la Délégation permanente du Liban auprès de l’Unesco. Qu’est-ce qui structure l’identité libanaise ? Où nous situons-nous par rapport à la problématique du confessionnalisme politique ? Le conflit syrien va-t-il déborder sur le Liban ? Quel est l’impact de la visite au Liban de Benoît XVI ? Autant de questions brûlantes débattues avec passion pendant près de deux heures par les trois panélistes devant un public nombreux et très attentif. Carol Saba se place principalement sur le plan historique. Il rappelle quelques dates et événements fondateurs et structurants de la réalité libanaise actuelle, émaillant ses propos de citations (Georges Naccache, l’Abbé Pierre, le général Gouraud…), insistant sur l’ambivalence libanaise entre la norme communautaire et la norme nationale, et concluant sur la nécessité de trouver un « partenariat citoyen du oui commun et du vivre ensemble ». Bahjat Rizk a une vision plus anthropologique et globale de la situation. Il observe que le pluralisme culturel n’est pas spécifique au Liban et que pour rationaliser la question identitaire il faut avoir recours à un cadre référent : dépassionnaliser le débat à travers des éléments objectifs, constants mais négociables. Or, au Ve siècle avant Jésus-Christ, le philosophe grec Hérodote, « père de l’histoire », avait déjà établi quatre paramètres structurants de l’identité collective : la langue, les moeurs, les « sanctuaires communs » (religion) et la race. Deux mille ans plus tard, l’Unesco reprend ces mêmes paramètres pour les mettre au service des droits de l’homme. Tout processus identitaire reprend nécessairement ces éléments : en ce qui concerne le Liban, trois des quatre paramètres (race, moeurs, langue) sont communs à sa société et le quatrième (religion) est pluriel. Pour d’autres pays (Canada, Belgique), le facteur de différence est la langue, pour d’autres encore (États-Unis), c’est la race. Donc, comment faire pour que cette différence devienne une richesse de la société et non un facteur de division ? Pour Bahjat Rizk, cette question de l’intériorisation doit commencer à se travailler dès la toute petite enfance, par l’éducation et l’établissement d’un livre d’histoire commun qui prenne en considération ces différents paramètres. Mgr Philippe Brizard, « séduit par la théorie des paramètres » de Bahjat Rizk, explique qu’il ne peut y avoir de liberté sans éducation. Ce grand humaniste, spécialiste de la question d’Orient qui professe un christianisme éclairé et ouvert sur les autres religions, revient sur l’Exhortation apostolique du pape Benoît XVI émanant du synode qui s’est tenu à Rome il y a deux ans. Ce document d’orientation sera signé lors de la visite du pape au Liban et il propose une réflexion sur l’identitaire et le lien de la religion et la culture. De plus en plus, l’expérience libanaise semble essentielle au monde pluriel d’aujourd’hui, à condition qu’à partir d’une conceptualisation articulée et soutenue, elle serve à fournir des pistes de réflexion susceptibles de surmonter pacifiquement les conflits identitaires.