« Liban sur rails » va bon train et stationne aux Souks

Nostalgique, mais aussi militante et à fort caractère didactique, « Liban sur rails » dessert plusieurs motifs. Après Beiteddine, elle fait un stop prolongé aux Souks de Beyrouth avant de partir vers Tripoli.



Le Liban, en matière de transports publics, a plusieurs trains de retard. Il en a même des milliers. À ce sujet, Élias Maalouf crie gare.


Le réalisateur et cofondateur de l’organisation à but non lucratif Train/Train a fait de ce sujet son cheval de bataille. Après avoir été présentée au palais de Beiteddine dans le cadre des événements du Festival international de Beiteddine 2013, l’exposition « Lebanon on rails » (Liban sur rails) se pose aujourd’hui dans les Souks de Beyrouth, en collaboration avec Solidere et l’ambassade d’Australie. Le visiteur est d’abord accosté, intrigué par une vieille remorque en bois trônant dans une artère des Souks. C’est une « hand car », ou draisine de train, comme on en voit illustrée dans les bandes dessinées de Lucky Luke. Sa légende invite le promeneur à visiter The Venue, au 1er étage, où sont affichées les photographies et les reliques de « Liban sur rails ». Dans un face-à-face saisissant, ou plutôt un dialogue à trois voix avec, d’une part, 25 clichés sortis de la collection d’Eddy Choueiri, ce photographe qui a immortalisé sur pellicule ce qui reste des gares, des vestiges, des locomotives et diverses ferrailles envahies par la végétation folle ; et d’autre part, les photos d’archives et les cartes postales issues de la collection d’Élias Maalouf, lestées par les documents historiques prêtés par les archives de la Direction générale des transports. Et, au milieu de ces images sorties d’un autre âge, des spectres bien réels, des fantômes du passé, des morceaux d’une locomotive naufragée sur les rives du temps, de l’oubli et de la négligence.


Les photographies, dont certaines tirées en format (225 x 150 cm), sont à découvrir. Et Maalouf, qui ne quitte pas ces « trésors », est prêt à vous expliquer, avec un enthousiasme qui ne faillit pas, les histoires, les découvertes, les rêves, les objectifs et les périples derrière « Liban sur rails ».


Lui, il a grandi en Équateur. Dans les récits parentaux, le train se taillait toujours la part du lion. Plus spécifiquement, à la gare de Rayak, cette ville près de Zahlé dont il est originaire et qui constituait le lien entre Damas et Beyrouth. De retour à Beyrouth, et sachant que l’armée syrienne se retirait de ce site en 2005, il s’y rend dans l’espoir de voir enfin la gare qui a nourri ses rêves d’enfant. « Quand je suis arrivé, les soldats s’en allaient, se souvient-il. Dans une locomotive, un feu commençait à prendre. Je me suis précipité pour voir s’il y avait quelque chose à sauver. Des archives qui brûlaient, j’ai réussi à tirer quelques documents. Mais les soldats m’ayant vu, ils sont revenus à l’assaut et n’ont quitté que lorsque tout était réduit en cendres. »

Élias Maalouf s’est alors senti investi d’une mission : sauver l’histoire du chemin de fer au Liban et tout faire pour le remettre sur rails. Après avoir amassé des archives importantes (des documents de sa famille, son oncle et son grand-père ayant travaillé dans la gare à Rayak, mais aussi des employés du chemin de fer et de leurs descendants), il commence à militer pour réinstaurer les transports ferroviaires. 
Un train qui se forme ? Va-t-il s’arrêter ? Dérailler ? Ou aller bon… train ? Quoi qu’il en soit, et au train où vont les choses, il ne faut pas désespérer de trouver quelque chose au bout du quai. 
En attendant d’entendre de nouveau siffler le train, les photographies d’Eddy Choueiry seront publiées dans un ouvrage intitulé Liban sur rails, à paraître aux éditions Bibliothèque improbable du pinacle et qui devrait être lancé lors du Salon du livre en novembre prochain.


 


 

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