La diversité culturelle est une question anthropologique.



  • La diversité culturelle est une question anthropologique.

                  Chaque jour, un nouveau débat sur le pluralisme culturel vient alimenter les diverses sociétés de la planète. Que ce soit la question des réfugiés, hier palestiniens, aujourd’hui syriens au Liban, celle des Roms en France, les naturalisations massives, hier au Liban, aujourd’hui en France, le sort des chrétiens d’Orient, la stigmatisation des musulmans en Occident, les luttes entre hindous et musulmans en Inde, les persécutions des chrétiens au Pakistan, la montée de l’islamisme en Turquie, les mouvements jihadistes dans les pays musulmans, arabes et africains… Nous sommes quotidiennement confrontés à la même problématique incontournable au coeur de notre monde d’aujourd’hui et de la mondialisation. Cette question qui nous interpelle nous hante et nous angoisse à tel point que nous avons l’impression d’être au bord de guerres civiles ou d’une nouvelle guerre mondiale ; nous tentons de lui trouver des réponses à travers une approche politique qui peut exacerber les conflits (vision idéologique) ou une approche philosophique voire métaphysique qui les nie ou les apaise momentanément (vision idéaliste et humaniste). C’est la distance qu’il y a entre le discours de l’homme d’action ou décideur politique, qui mobilise ses troupes, et celui de l’homme de réflexion ou de méditation, qui observe et évite la confrontation ou la retarde indéfiniment, au nom d’un idéal abstrait. Parfois même l’humanisme est instrumentalisé à des fins démagogiques et politiques face à la montée du nationalisme. Il me semble qu’il faudrait rationaliser la question identitaire (nationale, infra ou transnationale) à travers une approche anthropologique, qui – au-delà de son contenu (le jugement moral ou le risque d’essentialisation) – tente de poser le cadre du débat de manière neutre et objective. Certes, il est très difficile pour une question aussi émotionnelle de l’aborder sans parti pris et sans passion. Il semble également complètement illusoire d’envisager une humanité sans conflit. C’est le prix à payer pour la liberté de l’homme et son libre arbitre, ce qui le pousse à parfois transcender et d’autres fois à transgresser ses propres limites, à parfois construire et à produire du progrès et, d’autres fois, à détruire, y compris à s’autodétruire lui-même. Il ne s’agit donc point d’édicter des règles morales car toutes les religions et les philosophies, nous les ont déjà fournies. Il s’agit d’avoir une approche rationnelle, qui peut-être ne résout pas les conflits mais empêche leur idéologisation, en prévenant la dérive affective et passionnelle et en remettant un cadre au débat. L’homme mortel est condamné à avoir un absolu relatif. En identifiant les paramètres objectifs, qui structurent depuis Hérodote les identités collectives (race, langue, religion et moeurs), on les remet dans un cadre anthropologique et on apprend à les compenser et à les relativiser. On repère également le seuil de tolérance d’une société par rapport à une culture qui lui est étrangère, ou qu’elle ne peut pas absorber, au risque de perdre sa cohésion et ses propres valeurs. Il faut reprendre le texte brillant et visionnaire quoique occulté et controversé de Claude Lévi-Strauss « Race et Culture » (1971 – Unesco) qui parle même d’un seuil biologique des cultures. C’est presque le seul anthropologue universellement reconnu qui n’a pas voulu céder à un humanisme utopique.
    En attendant d’avoir un jour une société universelle, « des droits de l’homme sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion » (article 1er de la charte de l’Unesco), nous sommes obligés de nous construire à travers nos paramètres d’identité spécifiques. Le reconnaître ce n’est nullement pour entraîner la tentation d’une domination d’une culture sur une autre, mais de préserver l’espace de reconnaissance légitime de chaque culture et de dégager un espace de négociation viable, des cultures entre elles.
     Bahjat RIZK

    8 Oct 2013

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