«L’histoire se rit des prophètes désarmés», Machiavel. L’Histoire se rit aussi des peuples désarmés et déboussolés.
Contribution de René Naba à l’histoire de l’émigration libanaise en Afrique occidentale française à l’occasion de la célébration du premier centenaire de cet évènement en 2014 (1).
Prologue: Un fardeau de l’Homme blanc ou une prédation de la planète?
«C’était au début du printemps 1750 que naquit le fils d’Omoro et de Binta Kinté, dans le village de Djoufforé, à quatre jours de pirogue de la côte de Gambie». ((Roots : The saga of an american family (1976) Alex Haley, titre de l’ouvrage en français «Racines». De son vrai nom Alexander Murray Palmer Haley, né le 11 août 1921 à Ithaca et mort le 10 février 1992 à Seattle. Ecrivain noir américain, il est connu notamment grâce à sa collaboration à l’autobiographie de Malcolm X et surtout Roots, le livre qui changea la compréhension du problème noir aux Etats-Unis).
Curieux cheminement. Curieux croisement: alors que l’Africain du Sine Salloum, région natale de l’auteur de l’ouvrage «Roots», en même temps que celle du signataire de ce papier, était extirpé de ses racines par les colonisateurs de la Sénégambie pour se projeter au-delà des océans en vue de contribuer à la prospérité du Nouveau Monde, le Libanais, au XVIII me-XIX me siècle, était conduit à l’exode sous l’effet des contraintes économiques.
Un mouvement parallèle… Le Noir allait peupler l’Amérique, quand le Libanais et le Syrien se substituaient à lui sur son continent, comme intermédiaire entre colonisateurs et colonisés. Au XIX me siècle, sous le joug de l’empire ottoman, le mouvement portait les Libanais vers l’Amérique latine. Au XX me siècle, sous le joug colonial, le mandat français au Levant le bifurquait principalement vers l’Afrique.
Cinquante-deux millions de personnes, colons en quête d’un gagne-pain, aventuriers en quête de fortune, militaires en quête de pacification, administrateurs en quête de considération, missionnaires en quête de conversion, tous en quête de promotion, se sont expatriés du «Vieux Monde», en un peu plus d’un siècle (1820-1945), à la découverte des nouveaux mondes, lointains précurseurs des travailleurs immigrés de l’époque moderne. Au rythme de 500 000 expatriés par an en moyenne pendant 40 ans, de 1881 à 1920, 28 millions d’Européens auront ainsi déserté l’Europe pour peupler l’Amérique, dont 20 millions aux Etats-Unis, huit millions en Amérique latine, sans compter l’Océanie (Australie, Nouvelle Zélande), le Canada, le continent noir, le Maghreb et l’Afrique du sud ainsi que les confins de l’Asie, les comptoirs enclaves de Hong Kong, de Pondichéry et de Macao. 52 millions d’expatriés, soit le double de la totalité de la population étrangère résidant dans l’Union Européenne à la fin du XX me siècle, un chiffre sensiblement équivalent à la population française.
Principal pourvoyeur démographique de la planète pendant cent vingt ans, l’Europe réussira le tour de force de façonner à son image deux autres continents, l’Amérique dans ses deux versants ainsi que l’Océanie et d’imposer la marque de sa civilisation à l’Asie et l’Afrique. «Maître du monde» jusqu’à la fin du XX me siècle, elle fera de la planète son polygone de tir permanent, sa propre soupape de sécurité, le tremplin de son rayonnement et de son expansion, le déversoir de tous ses maux, une décharge pour son surplus de population, un bagne idéal pour ses trublions, sans limitation que celle imposée par la rivalité intra européenne pour la conquête des matières premières.
En cinq siècles (XVe-XXe), 40 pour cent du monde habité aura ainsi peu ou prou ployé sous le joug colonial européen. Prenant le relais de l’Espagne et du Portugal, initiateurs du mouvement, la Grande-Bretagne et la France, les deux puissances maritimes majeures de l’époque, posséderont à elles seules jusqu’à 85 pour cent du domaine colonial mondial et 70 pour cent des habitants de la planète au début du XX me siècle, pillant au passage, le Portugal et l’Espagne l’or d’Amérique du sud, l’Angleterre les richesses de l’Inde, la France le continent africain.
II – L’effet Boomerang: «L’invasion barbare».
Par un rebond de l’histoire, dont elle connait seule le secret, l’effet boomerang interviendra au XXe siècle. L’Europe, particulièrement la France, pâtira de sa frénésie belliciste, avec l’enrôlement de près de 1.2, millions des soldats de l’outre-mer pour sa défense lors des deux guerres mondiales (1914-1918/1939-1945) et la reconstruction du pays sinistré. Au point que par transposition du schéma colonial à la métropole, les Français, par définition les véritables indigènes de France, désigneront de ce terme les nouveaux migrants, qui sont en fait des exogènes; indice indiscutable d’une grave confusion mentale accentué par les conséquences économiques que cette mutation impliquait.
L’indépendance des pays d’Afrique neutralisera le rôle du continent noir dans sa fonction de volant régulateur du chômage français. L’arabophobie se substitue alors à la judéophobie dans le débat public français avec la guerre d’Algérie (1954) et la Guerre de Suez (1956), avant de muter en Islamophobie avec la relégation économique de la France à l’échelle des grandes puissances. La xénophobie française se manifestera alors d’une manière inversement proportionnelle à la gratitude de la France à l’égard des Arabes et des Musulmans, dans le droit fil de son comportement post guerre mondiale à Sétif, en Algérie, en 1945, et à Thiaroye, en 1946, au Sénégal.
Cinq siècles de colonisation intensive à travers le monde n’auront ainsi pas banalisé la présence des «basanés» dans le regard européen, ni sur le sol européen, pas plus que dans l’imaginaire occidental, de même que treize siècles de présence continue matérialisée par cinq vagues d’émigration n’ont conféré à l’Islam le statut de religion autochtone en Europe, où le débat, depuis un demi-siècle, porte sur la compatibilité de l’Islam et de la République, comme pour conjurer l’idée d’une agrégation inéluctable aux peuples d’Europe de ce groupement ethnico-identitaire, le premier d’une telle importance sédimenté hors de la sphère européocentriste et judéo-chrétienne.
Les interrogations sont réelles et fondées, mais par leur déclinaison répétitive (problème de la compatibilité de l’Islam et de la Modernité, compatibilité de l’Islam et de la Laïcité, identité et serment d’allégeance au drapeau), les variations sur ce thème paraissent surtout renvoyer au vieux débat colonial sur l’assimilation des indigènes, comme pour démontrer le caractère inassimilable de l’Islam dans l’imaginaire européen, comme pour masquer les antiques phobies chauvines, malgré les copulations ancillaires de l’outre-mer colonial, malgré le brassage survenu en Afrique du Nord et sur le continent noir, malgré le mixage démographique survenu notamment au sein des anciennes puissances coloniales (Royaume-Uni, France, Espagne, Portugal et Pays Bas) du fait des vagues successives des réfugiés du XX me siècle d’Afrique, d’Asie, d’Indochine, du Moyen-Orient et d’ailleurs, malgré les vacances paradisiaques des dirigeants français à l’ombre des tropiques dictatoriaux; comme pour dénier la contribution des Arabes à la Libération de la France; le rôle de la Libye et de l’Irak de soupape de sûreté à l’expansion du complexe militaro industriel français avec leurs «contrats du siècle», en compensation du renchérissement du pétrole consécutif à la guerre d’octobre (1973), le rôle supplétif des djihadistes islamistes sous tutelle occidentale en tant que fers de lance du combat dans l’implosion de l’Union soviétique, dans la décennie 1980, en Afghanistan, puis dans l’implosion de la Yougoslavie (Bosnie et Kosovo), dans la décennie 1990, enfin contre la Syrie, dans la décennie 2010.
Au-delà de la polémique sur la question de savoir si «l’Islam est soluble dans la République ou à l’inverse si la République est soluble dans l’Islam», la réalité s’est elle-même chargée de répondre au principal défi interculturel de la société européenne au XXI me siècle. Soluble ou pas, hors de toute supputation, l’Islam est désormais bien présent en Europe d’une manière durable et substantielle, de même que sa démographie relève d’une composition interraciale, européenne certes, mais aussi dans une moindre proportion, arabo-berbère, négro-africaine, turque et indo-pakistanaise: Quatre mille mosquées, douze millions de fidèles, et 2,6 pour cent de la population européenne est d’origine musulmane, selon les statistiques officieuses concernant les 15 pays de l’Europe occidentale communiquées avant l’adhésion massive des 12 pays de l’Europe centrale et orientale. Premier pays européen par l’importance de sa communauté musulmane, la France est aussi, proportionnellement à sa superficie et à sa population, le plus important foyer musulman du monde occidental. Avec près de cinq millions de musulmans, dont deux millions de nationalité française, elle compte davantage de musulmans que pas moins de huit pays membres de la Ligue arabe (Liban, Koweït, Qatar, Bahreïn, Emirats Arabes Unis, Palestine, Iles Comores et Djibouti). Elle pourrait, à ce titre, justifier d’une adhésion à l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), le forum politique panislamique regroupant cinquante-deux Etats de divers continents ou à tout le moins disposer d’un siège d’observateur.
En comparaison, pour une superficie de 9,3 millions de km2 et une population de 280 millions d’habitants, Les Etats-Unis comptent près de 12 millions de musulmans dont 3,5 millions d’arabo américains et 1 200 mosquées. La communauté musulmane de France se décompose comme suit: deux millions de Maghrébins, deux millions de nationalité française, la plupart originaires d’Algérie et rapatriés en France au moment de l’indépendance de ce pays, ainsi que 400. 000 africains, 300. 000 turcs et 100.000 asiatiques. En vingt ans (1980-2000), près de trois mille associations ont été fondées et mille cinq cents lieux de culte édifiés, parmi lesquelles cinq grandes Mosquées, dont trois dans la région parisienne Paris, Evry et Mantes-La-Jolie, ainsi qu’à Lyon et Lille.
Socle principal de la population immigrée malgré son hétérogénéité linguistique et ethnique, avec près de 20 millions de personnes, dont cinq millions en France, la communauté arabo-musulmane d’Europe occidentale apparaît en raison de son bouillonnement -boutade qui masque néanmoins une réalité- comme le 28 me Etat de l’Union européenne. En s’y greffant, l’admission de la Turquie, de l’Albanie et du Kosovo au sein de l’Union européenne porterait le nombre des musulmans à près de 100 millions de personnes, représentant 5 pour cent de la population de l’ensemble européen, une évolution qui fait redouter à la droite radicale européenne la perte de l’homogénéité démographique de l’Europe, à la blancheur immaculée de sa population et aux «racines chrétiennes de l’Europe». Au point que l’UMP, le parti sarkoziste en France, a institué une clause de sauvegarde, soumettant à référendum l’adhésion de tout nouveau pays dont la population excède cinq pour cent de l’ensemble démographique européen.
Pour un observateur non averti, le décompte est impressionnant: l’agglomération parisienne concentre à elle seule le tiers de la population immigrée de France, 37 pour cent exactement, tous horizons confondus (Africains, Maghrébins, Asiatiques, et Antillais), alors que 2,6 pour cent de la population d’Europe occidentale est d’origine musulmane, concentrée principalement dans les agglomérations urbaines. Son importance numérique et son implantation européenne au sein des principaux pays industriels lui confèrent une valeur stratégique faisant de la communauté arabo-musulmane d’Europe le champ privilégié de la lutte d’influence que se livrent les divers courants du monde islamique et partant le baromètre des convulsions politiques du monde musulman.
Fait désormais irréversible, l’ancrage durable des populations musulmanes en Europe, la généralisation de leur scolarisation, l’affirmation multiforme de leur prise de conscience ainsi que l’irruption sur la scène européenne des grandes querelles du monde islamique, le bouleversement du paysage social et culturel européen qu’elles auront impliquées au dernier quart du XX me siècle ont impulsé un début de réflexion en profondeur quant à la gestion à long terme de l’Islam domestique. Toutefois, sous l’effet de la précarité économique et de la montée des conservatismes, l’Europe, sous couvert de lutte contre le terrorisme, en particulier la France, a pratiqué depuis un quart de siècle une politique de crispation sécuritaire illustrée par la succession de lois sur l’immigration (lois Debré-Pasqua-Chevènement-Sarkozy-Hortefeux), apparaissant comme l’un des pays européens les plus en pointe dans le combat anti-migratoire, alors même que sa population immigrée a baissé de 9 pour cent en une décennie (1990-1999).
L’euphorie qui s’est emparée de la France à la suite de la victoire de son équipe multiraciale à la coupe du monde de Football, en Juillet 1998, n’a pas pour autant résolu les lancinants problèmes de la population immigrée, notamment l’ostracisme de fait dont elle est frappée dans sa vie quotidienne, sa sous-employabilité et la discrimination insidieuse dont elle fait l’objet dans les lieux publics, avec les conséquences que comportent une telle marginalisation sociale, l’exclusion économique et, par la déviance qu’elle entraîne, la réclusion carcérale. Les attentats anti-américains du 11 septembre 2001 ont relancé la xénophobie latente au point que se perçoit lors des grands pics de l’actualité, tel l’attentat de Madrid du 11 mars 2004, une véritable ambiance d’arabophobie et d’islamophobie.
Trente ans après la révolution opérée dans le domaine de la communication, dix ans après la communion interraciale du «Mundial 1998», les Arabes et les Africains demeurent en France des «indigènes», sous-représentés dans la production de l’information, d’une manière générale dans l’industrie du divertissement et de la culture, et d’une manière plus particulière dans les cercles de décision politique pour l’évidente raison qu’ils sont difficilement perçus comme des producteurs de pensées et de programmes, alors que leur performance intellectuelle ne souffre la moindre contestation.
Au seuil du III me millénaire, la France souffre d’évidence d’un blocage culturel et psychologique marqué par l’absence de fluidité sociale. Reflet d’une grave crise d’identité, ce blocage est, paradoxalement, en contradiction avec la configuration pluriethnique de la population française, en contradiction avec l’apport culturel de l’immigration, en contradiction avec les besoins démographiques de la France, en contradiction enfin avec l’ambition de la France de faire de la Francophonie, l’élément fédérateur d’une constellation pluriculturelle ayant vocation à faire contrepoids à l’hégémonie planétaire anglo-saxonne, le gage de son influence future dans le monde.
Au seuil du XXI me siècle, la France offre ainsi le spectacle d’un état aux pouvoirs érodés tant par la construction européenne que par la mondialisation, une société marquée par la désagrégation des liens collectifs, de partis politiques coupés des couches populaires, d’une gauche socialiste à la remorque des thèmes de mode, d’une droite à la dérive reniant ses idéaux, les deux dévastés par les affaires de corruption avec un noyau dur de l’extrême droite représentant 1/5 du corps électoral, une nation mimée par la montée des corporatismes et du communautarisme ainsi que par l’exacerbation, sur fond des guerres de prédation des économies de la rive sud de la Méditerranée (Libye, Syrie), se superposant au conflit israélo-palestinien et à l’antagonisme judéo arabe sur le territoire national. Une France plongée dans la pénombre, en pertes de repères, en quête de sens, victime des remugles de sa mémoire. Le contentieux non apuré en France à propos de Vichy et de l’Algérie continue de hanter la conscience française, de même que son passif post colonial. Sur le flux migratoire mondial au XX me siècle http://www.renenaba.com/les-colonies-avant-gout-du-paradis-ou-arriere-gout-denfer/
III – La France: «La tendre mère des Libanais»?
Les faits sont patents: Quinze millions d’Africains ont été expédiés «au-delà des océans» pour faire place dans «l’outre-mer» aux Espagnols, Portugais, Anglais, Français, même Allemands, enfin Libanais. Pour des impératifs économiques non des considérations humanitaires ou l’effet du hasard.
L’idée donc que le Libanais a débarqué en Afrique par inadvertance du fait d’une erreur de navigation des cargos-négriers est une fable et une farce. Si la première cargaison de Marseille en route pour Rio de Janeiro a débarqué à Dakar (Sénégal), par hasard, c’est qu’elle répondait en fait à une exigence de rentabilité des compagnies négrières, qui ne sont pas des dentellières et ne font pas dans la dentelle. Un trajet infiniment plus court que la traversée de l’Atlantique sud, une rotation plus fréquente, une rentabilité plus grande.
Le déroutement vers l’Afrique du flux migratoire libanais s’amplifiera prenant un tour systématique avec l’instauration du Mandat Français sur le Liban et la Syrie, répondant à un double objectif:
-Réduire l’importance numérique chiite dans le recensement démographique visant à la répartition sur une base confessionnelle du pouvoir dans le système constitutionnel libanais en vue de confier les rênes du gouvernement au tandem maronite sunnite en vue de faire du Liban le point de jonction de l’Islam et de la chrétienté à un moment charnière de l’expansion économique européenne vers le flanc sud de la Méditerranée.
Avec pour objectif ultime de conférer un primat maronite au «pays des cèdres, du lait et du miel», non pour en faire un réduit chrétien comme se sont appliqués à le faire les milices chrétiennes durant la guerre interconfessionnelle (1975-1990), mais «un Foyer National Chrétien» symétrique au «Foyer National Juif» de la promesse Balfour (1917) de la Grande Bretagne.
-Placer les Libanais émigrés d’Afrique en situation d’intermédiaires entre colons et colonisés, entre les blancs résidant dans les grandes villes côtières et les noirs peuplant la brousse africaine. A ce titre l’émigration libanaise en Afrique a été une émigration d’exploitation, celle d’Amérique latine une émigration de peuplement.
Une lecture fractale de cette séquence historique révèlera que la France «La tendre mère» des Libanais n’a pas été si tendre que cela, ni maternelle. Le pays qui a institutionnalisé et instrumentalisé le confessionnalisme du Liban aura procédé à une répartition du travail dans ses colonies sur une base raciale.
La permanence de la dénomination de rues baptisées du temps du mandat français au Liban (1923-1943), telles qu’Ernest Renan, le grand déchiffreur du mystère libanais pour le compte des services français, Maurice Barrès, le chantre de l’identité française, thématique récurrente du débat public en France avec son cortège de stigmatisations, ou encore du Général Henri Gourraud, artisan du grand Liban, mais dépeceur du bassin historique de la Palestine, ou enfin Georges Picot, le négociateur maladroit face à Sykes du partage du Levant en zones d’influence franco-britanniques, témoignent de la persistance d’une certaine forme de servitude volontaire du Liban à l’égard du legs colonial.
Particulièrement Henri Gouraud et Georges Picot, sur des grandes artères de la capitale libanaise, artisans de la balkanisation du Monde arabe. Gouraud, l’homme qui captura, en 1898, Samory Touré, le chef mandingue, qui s’opposait aux colonisateurs du Soudan français (Mali), Gouraud, l’une des figures importantes de l’histoire de la colonisation française, l’homme qui colonisa le Niger, le Tchad et la Mauritanie, l’homme qui sonna la charge contre les résistants syriens à la bataille de Mayssaloune (1925), dans laquelle périra le ministre syrien de la défense, Youssef Al Azmeh, ainsi que près de 400 des siens dans la bataille fondatrice de la conscience nationale syrienne.
Cent ans après la première vague d’émigration libanaise en Afrique, il importait que ce fait soit souligné et qu’il soit procédé à une décolonisation des mentalités. Particulièrement les Chrétiens en ce que «La fille ainée de l’Eglise et protectrice des chrétiens d’orient» aura été l’un de leurs plus importants fossoyeurs. Aux antipodes du rôle de la Russie, véritable protectrice de l’orthodoxie orientale. De l’expédition de Suez, en 1956, contre l’Egypte nassérienne, qui a provoqué l’exode des chrétiens d’Egypte, à l’expédition de Syrie, 57 ans après, qui a entrainé l’exode des chrétiens de Syrie, deux opérations dont la France a eu un rôle aiguillon, à la caution du génocide arménien en Turquie, par l’amputation du district d’Alexandrette à la Syrie et son attribution à la Turquie en prime de son forfait.
- http://www.renenaba.com/chretiens-dorient-le-singulier-destin-des-chretiens-arabes/
- http://www.renenaba.com/chretiens-dorient-le-singulier-destin-des-chretiens-arabes-2/
- http://www.renenaba.com/genocide-armenien-le-jeu-trouble-de-la-france/
Oyez manant. Le centenaire est un âge adulte, un âge de vérité. Réveillons-nous de notre sommeil dogmatique dans lequel nous nous berçons par paresse mentale: Le tryptique républicain (Liberté, Egalité, Fraternité) a constitué le mythe fondateur de l’exception française en ce que la colonisation a été est le fossoyeur de l’idéal républicain en ce que la liberté du colonisateur a été la négation de la Liberté du colonisé;
L’égalité, bafouée par la codification discriminatoire fondée sur le «gobino-darwinisme juridique» avec le «Code Noir» de l’esclavage, sous la Monarchie et le «Code de l’indigénat» en Algérie, sous la République, et leur prolongement, les «expositions ethnologiques», ces « zoos humains» dressés pour ancrer dans l’imaginaire collectif des peuples du tiers monde l’idée d’une infériorité durable des «peuples de couleur». Enfin, la Fraternité, si la fraternisation sur les champs de bataille a bien eu lieu, la fraternité jamais. La cristallisation des salaires des anciens combattants d’outre-mer en fait foi. Et le Bougnoule demeurera à jamais la marque de stigmatisation absolue, le symbole de l’ingratitude absolue.
Pour une décolonisation des esprits et la déconstruction de la notion du «Rôle positif de la colonisation de la France.»
- http://www.renenaba.com/a-propos-du-role-positif-de-la-colonisation/
- http://www.renenaba.com/le-bougnoule-sa-signification-etymologique-son-evolution-semantique-sa-portee-symbolique/
IV – Les ambivalences libanaises
Le sentiment de supériorité des Libanais est un fait patent, de notoriété publique. Un libanais, téméraire ou inconscient ?, en fera le diagnostic clinique dans une étude au titre ravageur «Le syndrome de supériorité, étude sur un pays en phase de coma». Explicite et expéditif.
http://lebaneseexpatriate.wordpress.com/2012/06/27/lebanon-a-braindead-country/
Au survol des siècles s’offre en effet au regard, un panorama à deux dimensions, télescopage des ambivalences libanaises.
Certes le Liban peut s’enorgueillir de son legs biblique, du fait que le nom Liban apparait 75 fois dans l’ancien testament, de même que le Cèdre l‘emblème national du Liban, dont le bois servit à la construction du Temple de Salomon. De son héritage historique et archéologique aussi. Seul pays arabe à ne pas disposer de désert, il compte néanmoins quinze fleuves ou rivières (Oronte, Zahrani, Hasbani, Awali, Bardaouni etc..).
Occupé à travers l’histoire par 16 états ou peuples (Egyptiens, Hittites, Assyriens, Babyloniens, Perses, Byzance, les Croisés, la conquête arabe, l’empire ottoman la France et Israël; sa capitale, Beyrouth, détruite et reconstruite sept fois dans l’histoire, lui vaut le qualificatif de Phénix. A la jonction de deux mondes, Occident et Orient, elle figure parmi les dix destinations préférées des touristes au Monde pour la qualité de son accueil, mais aussi pour son patrimoine archéologique. Beryte et sa faculté de droit de l’époque romaine, la première au monde, Baalbek, la cité du soleil, son Temple de Jupiter et de Bacchus; Byblos (de la bible), dont la légende lui attribue la paternité du premier alphabet au Monde), Cana où s’est produit le miracle de la transformation de l’eau en vin selon le récit chrétien, enfin Tyr et Sidon, à qui l’on attribue le mérite de la découverte du gouvernail de la navigation, dont les Phéniciens, les habitants originels du pays, en feront un usage judicieux pour la conquête de Carthage (Tunisie actuelle).
De sa diversité et sa pluralité (18 communautés religieuses, dont 40 pour cent de chrétiens, la plus forte proportion dans le Monde arabe), de sa presse (quarante quotidiens), de son fort coefficient de diplômés (47 universités, dont 70 pour cent des étudiants formés dans des instituts privés), de son système bancaire (une centaine de banques de plein exercice, sans compter leurs succursales dans les divers quartiers des grandes villes et des provinces libanaises), une des plus fortes concentrations au Monde pour un pays de 10.452 km carrés et 4,5 millions d’habitants.
Sur la contribution des libanais à la civilisation, notamment dans le domaine de l’esprit:
- http://www.renenaba.com/les-tribulations-de-la-presse-libanaise-1/
- http://www.renenaba.com/les-tribulations-de-la-presse-libanaise-2/
Il n’en demeure pas moins de fortes réserves sur ce bilan contrasté: Si l’homme le plus riche du Monde est un Libanais, Carlos Slim (Mexique), son pays d’origine bien que gouverné depuis près de trente ans par des milliardaires (Rafic et Saad Hariri, Najib Mikati) n’en abrite pas moins une population dont 30 pour cent se situe au-dessous du seuil de pauvreté. Certes, deux ministres de l’écologie dans les pays d’émigration, l’un en Afrique Ali Haidar (Sénégal) et Viviane Abdel Baki (Amérique latine), sont d’ascendance libanaise, mais leur pays d’origine fait depuis longtemps office de dépotoir des déchets toxiques des pays industrialisés.
Certes aussi, deux sommités médicales internationales, Pete Medawar (Brésil Royaume Uni, codétenteur du Prix Nobel de physiologie 1968 pour les greffes d’organes), et Michael E. De Bakey (Texas-chirurgie cardiaque), libanais d’ascendance, sont issus d’un pays qui possède une forte structure médicale, -un docteur pour 10 personnes-, mais les tarifs anarchiques et dissuasifs que la corporation pratique découragent les porteurs des plus lourdes pathologies, faisant du Liban, un pays de médecine de riche pour riches patients.
Dans des registres différents, deux êtres aux antipodes figurent également au palmarès de par leur parcours: Ralph Nader (Etats-Unis), initiateur de l’écologie économique dans une posture qui fait honneur au courage en politique, et, Robert Bourgi (Sénégal), convoyeur des djembés et mallettes, dans une démarche qui fait tout à la fois honte à l’Afrique, à la France et au Liban en ce qu’il n’appartient pas au tiers monde arabo-africain de soutenir le train de vie de l’élite politico-médiatique française et ses vacances paradisiaques, sur le budget du contribuable des peuples affamés. Une honte à l’Afrique de nourrir ses bourreaux en ce que la vénalité française et la corruption africaine, constituent une combinaison corrosive, dégradante pour le donateur, avilissante pour le bénéficiaire.
Un spectacle à deux dimensions. L’une des plus fortes diasporas au Monde sur cinq continents exploite, pour sa domesticité, le lumpen prolétariat du sous-continent indien dans des conditions si drastiques qu’elles s’apparentent à la traite négrière d’antan.
L’un des plus importants réceptacles des populations marginalisées de l’histoire, des réfugiés palestiniens aux réfugiés syriens, soit le tiers de la population nationale, extirpés de leur lieu de vie, victimes des pulsions mortifères des puissances occidentales, qu’une large fraction des Libanais continue de chérir, au-delà du raisonnable, particulièrement notre «tendre mer». Une société contestataire en contiguïté avec un système reposant sur le clientélisme confessionnel, se perpétuant au pouvoir selon la tradition de successorale de la féodalité clanique depuis l’indépendance du Liban en 1943, il y a soixante-dix ans, intégrant les aléas des rapports de forces régionaux.
Nabih Berry, un chiite, originaire d’un village diamantifère de Sierra Leone, propriétaire d’un important patrimoine immobilier et présidant depuis 20 ans le parlement libanais, en concomitance avec le clan Hariri (Rafic et Saad), façonné par le wahhabisme de l’Arabie saoudite, principal latifundiaire du Liban et président le gouvernement libanais depuis la même période que le chiite, enfin, érigeant en industrie, toute classe politique et clivage confessionnelle confondues le martyrologue Libanais.
De Patrice Lumumba (1961, Congo Kinshasa) à Steve Biko (1977, Afrique du sud) à John et Robert Kennedy et Martin Luther King (1963-1968, Etats-Unis), à Ernesto Che Guevara De La Serna (1967, Bolivie) et Salvador Allende (1973, Chili), à Bobby Sands (1981-Irlande du Nord), au Mahatma Gandhi (1948) et Indira Gandhi (1984, Inde), à Zulficar Ali Bhutto (1973) et Benazir Bhutto (2007, Pakistan): Tous les continents regorgent en effet de personnages charismatiques, héros mythiques tombés sur le champ d’honneur du combat politique.
Mais nulle part ailleurs qu’au Liban le culte des martyrs ne prend une telle ampleur. Au point que la vénération posthume des chefs de clan, la plupart fourvoyés dans des causes perdues, ressortit d’une industrie du martyrologe, une rente de situation pour les ayants droits, un passe-droit permanent. Le martyr est commun à tous les peuples de la planète, mais sa redondance est une spécialité libanaise. Peu de famille demeure dans la sobriété. Beaucoup verse dans l’ostentation. Le martyr est brandi comme un trophée, sous le halo du martyr couve en fait une vaste mystification. Une spécialité purement libanaise, équivalent en France à «l’exception française». Une spéciosité des peuples spécieux.