Défendre le patrimoine libanais, un engagement à plein temps
Depuis quatre ans maintenant, l’Association pour la protection du patrimoine libanais (APPL) défend au quotidien le patrimoine libanais, qui regroupe des sites, des bâtiments et des quartiers représentatifs de l’histoire et des cultures du Liban. Pour sensibiliser et informer la population, ses membres bénévoles ont lancé entre novembre et janvier un magazine et une carte interactive.
Le Patrimoine selon la définition de l’UNESCO représente “l’ensemble des biens, matériels ou immatériels, ayant une importance artistique et/ou historique certaine, et qui appartiennent soit à une entité privée, soit à une entité publique”. Au Liban, ces biens ne sont pas soumis à une politique claire et uniforme, ce qui a poussé des groupes à se former pour protéger, alerter et informer face aux destructions ou déplacements de bâtiments ou de ruines qu’ils considèrent comme essentiels pour que le Liban n’oublie pas son passé, moderne aussi bien qu’antique.
L’APPL est une ONG qui a vu le jour en mars 2010 sous la forme d’une association appelée Stop destroying your heritage. “Je revenais de la ville italienne de Florence en tant que jeune artiste peintre, et me suis retrouvée face à des disparitions massives et très rapides de vieilles maisons dans mon quartier”, raconte Pascale Ingea, sa fondatrice. “Un jour, je m’aperçois qu’une maison que j’avais dessinée avait été détruite, seul un mur restait ! Et sur ce mur, quelqu’un avait tagué, en bleu, “Stop destroying your heritage”. Ce message, directement adressé aux Libanais, m’a marquée, j’ai donc pris une photo du mur et lancé un groupe facebook portant ce slogan.” Devant une année marquée par les destructions de vieilles demeures libanaises, le groupe prend de l’ampleur et Pascale Ingea, avec Joseph Haddad et l’avocat Jad Mhanna, enregistre le groupe en tant qu’ONG : l’APPL était née, composée d’intellectuels, de juristes et d’artistes bénévoles ayant à cœur la préservation de leur environnement culturel et historique.
Un militantisme tout terrain
Leur première action officielle a pris la forme d’une marche à Gemmayzé accompagnée de bougies et de musique, avec six arrêts à l’emplacement de vieilles demeures détruites le long de la rue Gouraud jusqu’au disparu Hôtel Vendôme à Mar Mikhael. Forte de cette manifestation qui a réuni près de 400 personnes demandant l’application d’une loi sur la protection du patrimoine en demeure au Parlement depuis 2006, l’ONG a ensuite multiplié ses activités. Manifestations sur le terrain, actions en justice, pétitions, groupes de recherches scientifiques, participation au réseau Eco Lebanon mouvement, tournées archéologiques… Depuis 2013, elle agit aussi sur le plan culturel avec le lancement d’une gazette trilingue gratuite : ‘Of men and ruins’. Ce magazine, dont la troisième publication est prévue en mars, aborde tous les sujets concernant le patrimoine libanais, avec la participation de six membres de l’APPL et d’experts. Dans le deuxième numéro, on peut ainsi apprendre l’existence du port antique de Beyrouth, réfléchir sur la notion d’identité, s’indigner devant le vol qui a eu lieu du musée archéologique de Jbeil, et se demander quel avenir aura le site où a été découvert l’hippodrome romain de Beyrouth, parmi de nombreux autres articles documentés et illustrés. “Nous pensons qu’il est nécessaire d’écrire sur nos activités et sur ce qu’il se passe au niveau archéologique et culturel au Liban”, explique Pascale Ingea. “Il faut informer et sensibiliser les citoyens libanais sur ce qui arrive autour d’eux, le plus souvent dans l’illégalité avec un manque des responsabilité des acteurs concernés.” La gazette ‘Of men and ruins’ est disponible à Antoine, Virgin, à NDU, l’ALBA, l’UL, et dans des librairies en région.
Pour renforcer cette vigilance culturelle, l’APPL a mis en ligne en janvier une carte interactive, accessible sur la page d’accueil de leur site internet, qui propose à tous de signaler l’existence ou la disparition d’un élément du patrimoine libanais. A disposition, plusieurs catégories : bâtiments historiques (de type ancien ou moderne), sites archéologiques, religieux, et espaces publics. Il est possible de mettre le statut de cet élément : façade, à risque, détruit, restauré, préservé, vandalisé, et même inconnu. “Nous n’avons jamais eu une carte de cette envergure par le passé sur internet. Cela nous permet de faire aussi de la veille pour les sites en danger, ce qui peut faciliter nos actions. De plus en plus de gens participent à cette carte, et nous espérons avec le temps en toucher de nombreux autres. Ce n’est qu’au bout de quelques années que nous réaliserons la richesse d’une telle entreprise.” Afin de faire connaître ce dispositif dans le reste du Liban, l’équipe de l’APPL s’apprête à partir en tournée auprès des municipalités, car “il faut que les responsables libanais se rendent compte que cela peut être bénéfique pour le tourisme sur le long terme”.
Propos recueillis par Florence Massena
Le 04/02/14