Yasser Hawari

Liban : vers le chaos ? »Le Liban ne peut plus accueillir davantage de réfugiés ». Formule choc assénée par Michel Sleimane, le président libanais.



« Le Liban ne peut plus accueillir davantage de réfugiés ». Formule choc assénée par Michel Sleimane, le président libanais qui se tourne plus que jamais vers la communauté internationale pour contenir un afflux massif de réfugiés syriens fuyant la guerre mais menaçant aujourd’hui la stabilité même du Liban. D’autant que sur place, les conditions sanitaires dans lesquelles vivent les réfugiés sont extrêmement difficiles. Manque d’eau, manque de nourriture, épidémies et camps saturés, les ONG tirent la sonnette d’alarme.




 Avec la présence d’un million de réfugiés, en réalité sans doute beaucoup plus, les camps jordaniens sont saturés et les conditions sanitaires y sont catastrophiques. Pour faire face à la situation, un nouveau camp situé à Azraq, à une centaine de kilomètres à l’est d’Amman, ouvrira ses portes le 30 avril, sous l’égide du Haut-Commissariat aux réfugiés. Il devrait être en mesure d’accueillir jusqu’à 130 000 personnes. 




« L’ouverture tombe à pic alors que ces dernières semaines le nombre de personnes traversant la frontière a augmenté de 50%, atteignant une moyenne de 600 par jour », a indiqué un porte-parole du HCR, Adrian Edwards, lors d’un point presse à Genève. Ce flux de réfugiés n’a de cesse d’accroître la pression sur le gigantesque camp de Zaatari qui abrite plus de 100 000 personnes, dont 58% sont des enfants. La Jordanie dispose d’un autre camp de réfugiés, Mureijeb Fhud, accueillant environ 4 000 réfugiés. 


 Le camp de Azraq pourra lui recevoir jusqu’à 2 000 nouvelles personnes par jour, et dispose déjà d’abris pour 13 000 personnes, ainsi que d’équipements sanitaires pour 30 000 personnes, selon M. Edwards. En outre, plus de 100 km de routes ont été construits, ainsi qu’un système de distribution d’eau, deux écoles et un hôpital doté de 130 lits. 


 Répartition des réfugiés syriens 


 Titanic


 Même si les bombardements continuent de faire rage en Syrie, certains exilés font le choix de rentrer au pays. Pourquoi retourner dans l’enfer des bombardements ? Sophie Nivelle Cardinale était pour nous dans le camp de Zaatari en Jordanie, à quelques kilomètres à peine de la Syrie. Elle a rencontré des candidats au retour :


Il y a urgence. Selon l’Unicef, un nouveau fléau, la malnutrition, menace désormais plusieurs milliers d’enfants réfugiés syriens de moins de cinq ans qui, sans traitement, pourraient mourir de faim. Principales causes : une mauvaise hygiène, de l’eau insalubre, l’absence de vaccinations et une mauvaise alimentation. La plaine de la Bekaa, dans l’est du pays, est particulièrement concernée par le phénomène. Un phénomène qui, sans action rapide pourrait s’intensifier, le nombre de réfugiés ne cessant d’augmenter. Selon les projections des Nations unies, ce nombre pourrait s’élever à 1,6 millions de personnes cette année. 


Incapable d’endiguer et d’accueillir un flot de réfugiés syriens qui exacerbe les tensions dans le pays, le Liban s’enfonce lentement dans une situation chaotique comme nous l’explique Wissam Charaf, notre correspondant sur place, qui a répondu aux questions d’ARTE Journal. 


 Quelle est la réaction de la population libanaise face à la pression démographique exercée par les réfugiés syriens, estimés aujourd’hui à environ 800 000 personnes ? 


 Wissam Charaf : Il y a officiellement 800 000 réfugiés au Liban mais je pense qu’on a largement dépassé le million et ce, depuis longtemps. Il y a des Syriens partout. Et le nouveau gouvernement libanais a du mal à faire face, notamment à cause de la division qu’a provoqué la question syrienne dans le pays. La moitié de la classe politique est pro-Assad, l’autre moitié est anti-Assad. La société libanaise est divisée. S’ajoute à cela l’afflux des réfugiés qui aggrave une situation économique déjà désastreuse. Il faut rappeler que le Liban est un pays de services, notamment de tourisme. Avec cette instabilité, les touristes ont disparu, les investissements sont au point mort et la situation sécuritaire est très dégradée, il y a maintenant de plus en plus d’enlèvements crapuleux ou mafieux qui surviennent dans le pays. Donc, évidemment la présence de réfugiés n’arrange pas ce problème de stabilité. 


 En début de semaine, Michel Sleimane a estimé que l’afflux de réfugiés syriens représentait – je cite – un danger existentiel qui menace l’unité libanaise. Qu’attendent aujourd’hui le président libanais, et plus généralement le pays, de la communauté internationale ? 


 Wissam Charaf : Le pays attend une aide économique massive. Le Liban est le pays qui accueille le plus grand nombre de réfugiés syriens alors que c’est le pays le plus petit. Un pays dont le quart de sa population est aujourd’hui réfugiée. A titre de comparaison, imaginons que 20 millions de réfugiés syriens arrivent en France demain, ce serait un désastre. Le Liban est véritablement dans une situation alarmante, c’est une catastrophe nationale. Avec la poursuite des affrontements, le flot de réfugiés n’est pas en train de se tarir. Il en arrive toujours. Donc la communauté internationale doit d’une part, agir politiquement pour faire cesser le conflit en Syrie, ce qui est fort improbable, et d’autre part, dans le domaine des choses possibles, apporter une aide massive au gouvernement libanais pour pouvoir contenir les problèmes sécuritaires qui se multiplient et le désastre économique qui menace le pays. 


Yannick Cador, Mathieu Boch et Loïc Bertrand / ARTE Journal

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.