LES MARDIS DES BERNARDINS Quelle gouvernance pour le Liban?

Du 10 au 13 septembre, le Président du Conseil général du département des Yvelines, Alain Schmitz et le Vice-Président délégué à la coopération décentralisée, le député Jean-Marie Tetart, se sont rendus au Liban dans le cadre du partenariat avec la Fédération des municipalités du Kesrouan-Ftouh  présidé par Nouhad Naufal. Cette visite a permis de poser les bases d’un nouvel accord-cadre de coopération décentralisée, qui s’inscrira dans la continuité de celui signé en 2009.


Composée de 52 municipalités la région du Kesrouan-Ftouh est connue par ses sites de grande renommée tels que les grottes de Jeita, les ruines romaines de Faqra, la vallée historique de Nahr el Kalb, sa  station de ski de Faray ou la fameuse baie de Jounieh. Le but de la récente visite de la délégation des élus des Yvelines a été de mettre sur pied des projets pour développer ce patrimoine touristique, l’enrichir par un tourisme environnemental et aussi de procéder à  l’inauguration du « Sentier de la Lune » aménagé cet été par de jeunes libanais et de jeunes gens des Yvelines. En outre,  le département des Yvelines, dans la région parisienne, a associé « Yvelines Tourisme » à cette coopération, ce qui a permis la naissance en 2011 d’une Maison régionale du Tourisme.


Les Yvelines à l’heure du Liban


Le député Jean-Marie Tetart, qui est chargé de la coopération décentralisée au sein du conseil général souligne l’implication du département des Yvelines au Liban en déclarant  : « C’est d’ailleurs dans ce cadre d’amitié et de coopération qu’a été  initié le programme « Yalla Yalla » afin  de mieux faire connaitre le Liban, sa culture et son histoire,  à l’ensemble des habitants du département. »


En effet, parallèlement à cette visite officielle, et dans les Yvelines,  des manifestations mettant le Liban à l’honneur ont  lieu du 1er septembre au 14 octobre 2012. Un vernissage organisé par  la Ville de Rambouillet sur le thème « Souvenirs d’Orient » a permis d’admirer les tableaux de  Raymonde Yazigi. Le  4 septembre, une conférence s’est tenue à la Médiathèque des Mureaux sur le thème « La Diaspora libanaise en Afrique».  Ce débat s’est poursuivi le 17 septembre à Montigny-le-Bretonneux autour de la question «Les libanais de France: une intégration spécifique ?». Le maire de Montigny-le-Bretonneux, Michel Laugier a  rappelé que, depuis quelques années, la mairie organise des séminaires pour des élus libanais afin d’échanger les expériences et leurs savoirs respectifs : « Nous avons eu  aussi l’honneur  de recevoir l’ambassadeur du Liban en France. Et grâce à ces  échanges, j’ai eu le plaisir d’être invité au Liban. J’ai découvert un pays attachant où j’ai pris rapidement mes repères  étant moi – même méditerranéen». Le mercredi 26 septembre une conférence intitulée « identité nationale et identités plurielles » a été animée par Bahjat Rizk avec   Mgr Saïd, Vicaire patriarcal maronite en France, Samuel Mbajum, journaliste et écrivain camerounais,  Christine Boutin, conseillère générale des Yvelines et ancien ministre. La soirée de clôture le 13 octobre, sera animée par le compositeur, chanteur et musicien libanais, Charbel Rouhana.


Intégration et Libanais de France


Le débat organisé dans la ville de Montigny-le-Bretonneux sur le thème « Les libanais de France: une intégration spécifique ? » a donné l’occasion aux orateurs d’exposer leur conception de l’immigration réussie, de découvrir  différents parcours et de mettre l’accent sur  la particularité de la diaspora libanaise.  Portant sur les difficultés que certaines personnes ont affronté, les écueils de parcours que d’autres ont dû surmonter ou tout simplement une adaptation sans heurt, les témoignages ont contribué à expliquer comment une intégration peut se faire en harmonie et dans le respect des valeurs et des croyances de chacun.


L’écrivain d’origine libanaise, Liliane Nasser, a mis l’accent sur l’immigration libanaise à Marseille. C’est dans le cadre de ses recherches universitaire et de sa thèse de doctorat soutenue à l’Université de Provence qu’elle s’est penchée sur cette question et a publié son ouvrage « Ces Marseillais venus d’Orient. L’immigration libanaise à Marseille aux XIXe et XXe siècles » (éditions Karthala à Paris). A travers des entretiens avec des libanais installés en France depuis des décennies, Liliane Nasser a mis en valeur les différents aspects de la personnalité et de l’évolution de la vie de chacun. Elle étudie les conditions sociales antérieures à  leur installation à l’étranger, mais surtout leur relation avec le Liban et leur fidélité à leur pays d’origine. Cette recherche historique  remonte parfois jusqu’à la fin du 19e siècle et relate  les raisons qui ont amené des Libanais, des Syriens et des Arméniens à s’installer à Marseille, qui est « une ville méditerranéenne avec un rapport important avec le Proche-Orient et une liaison très étroite avec Beyrouth, puisqu’historiquement ces  liens remontent à très loin, on  retrouve d’ailleurs leurs traces dans les archives de  la chambre de commerce de Marseille et qui datent du XVIe siècle ». Citant des noms de médecins, d’avocats, ou  d’hommes d’affaires franco-libanais célèbres comme Jacques Saadé ou Georges Antoun, Liliane Nasser explique ensuite que si l’intégration a été aisée pour certains, tel n’était pas le cas pour d’autres  qui ont dû changer de métier pour pouvoir s’adapter mais en fin de compte tout le monde a su trouver sa place.


Le témoignage de Daouda Ndiayé  poète sénégalais et  vice-président du Groupe de recherche et de Réalisations pour le Développement rural, qui depuis 1969 s’engage pour la promotion sociale, culturelle et économique des migrants subsahariens en France et de leurs régions d’origine, a permis d’insister sur l’importance de l’éducation. « C’est grâce aux écoles françaises installées dans mon pays j’ai pu m’en sortir, la France a investi en moi ». Concernant les relations  libano-sénégalaises il précise : « entre le Liban et le Sénégal c’est une histoire d’amour. D’ailleurs le ministre de l’écologie actuel M. Ali Haidar est d’origine libanaise et il est respecté partout au Sénégal et dans le monde entier ». Après le témoignage de la jeune artiste peintre  Maroulla Barrakat Durieux et de deux représentants de la diaspora arménienne en France, M. Joseph Torbay homme d’affaires d’origine libanaise, installé depuis une vingtaine d’année dans le département des Yvelines, a annoncé  à cette occasion son engagement pour encourager la diaspora libanaise vivant dans les Yvelines  à collaborer  à travers l’Association des amis d’Abraham Eschellensis,  qu’il préside, afin d’aider à développer avec les responsables et les élus locaux un projet lancé en 2008 intitulé «  Vie à l’ancienne »  et qui vise à restaurer les maisons traditionnelles de la région du Kesrouan particulièrement dans la vallée du Wadi el Salib.


La clé de l’assimilation, selon Edmond Abdel Massih



Edmond Abdel Massih président du Conseil National de l’Union Libanaise Culturelle Mondiale-France (UCML-Fra  nce),  a axé son intervention sur l’historique des vagues successives de l’immigration libanaise. La première a été celle de la fin du 19e siècle suite à des massacres interreligieux dans les montagnes libanaises en 1860.La visite de l’empereur du Brésil Pétro II en visite dans la région pour encourager les chrétiens à immigrer a conduit de nombreux Libanais à s’installer au Brésil et en Amérique du Sud, mais confirmant les dires de Liliane Nasser, Edmond Abdel Massih, précise qu’une grande partie d’entre eux s’était arrêtée à Marseille. La deuxième vague d’émigration qui a eu lieu à l’époque de la Première Guerre mondiale, elle s’est dirigée vers les pays de l’Europe, l’Amérique centrale, les Etats-Unis et l’Afrique francophone. La troisième vague a concerné plus particulièrement la France puisque la majorité des libanais fuyants la guerre civile, s’y sont installés forts du soutien et de l’accueil que leur a apportés la France. En effet, Edmond Abdel Massih précise que  le choix de la France était certes guidé par le fait de parler la langue française mais aussi par les facilités que la France accordait à l’époque aux ressortissants libanais qui fuyaient une guerre fratricide.


Edmond Abdel Massih a également abordé une question de grande actualité, à savoir le fait que la mondialisation, le choc des cultures  et le mal être identitaire, rendent l’intégration et l’intégration beaucoup plus difficiles de nos jours. Or, dans ce contexte, pourquoi l’intégration des Libanais ne pose de problème ni en France ni ailleurs, à la différence d’autres communautés ? Selon lui, c’est parce qu’il faut ici parler d’assimilation plus que d’intégration : « Les libanais sont pour lui  si bien intégrés qu’ils deviennent invisibles dans la masse ». La réussite de cette assimilation remonte à l’histoire même du Liban. « Espace de pluralisme culturel dès le début de son histoire, du fait de sa géographie atypique et de sa position médiane stratégique sur le versant est de la Méditerranée, aux portes de l’Asie et à égal distance de l’Europe et de l’Afrique. C’est la diversité géographique qui a engendré une diversité historique et culturelle, ainsi s’est créé dans  ce  petit espace  un pluralisme religieux et une diversité  culturelle…C’est le seul espace au monde où l’Orient et l’Occident se sent à l’aise ». Selon le président de l’ULCM en France, cette richesse historique géographique et culturelle offre à la diaspora libanaise des bases solides pour pouvoir s’intégrer partout dans le monde.  Il a rappelé la déclaration du Pape Jean-Paul II qui avait qualifié le Liban de pays «  Message » et dernièrement celle de Benoit  XIII  qui l’a qualifié  de «  pays modèle de coexistence et de vivre ensemble ». En conclusion, Edmond Abdel Massih a pu affirmer que, issus d’une contrée ouverte à toutes les différences, les Libanais n’ont pas de mal à s’adapter dans un milieu qui n’est pas le leur. Mais, il faut aussi souligner « les relations amicales et fraternelles qui lient la France et le Liban et le respect mutuel, et surtout le respect des lois de la République par tous les Libanais installés en France.  Nous ne  nous posons jamais la question de savoir si nous sommes libanais ou français, nous respectons tout naturellement  le pays dans lequel nous vivons ».


Zeina el Tibi


Bureau de Paris d’al Ayam

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